Entrevue de RAWA avec quelques prostituées
RAWA, June 2002
Parmi les résultats de plus de deux décennies de guerre et de destruction en Afghanistan, particulièrement pendant la dernière décade quand le règne de terreur des fondamentalistes Jehadi et leurs frères-dans-la-foi Taliban règnait dans le ciel au-dessus de notre pays, la prostitution parmi nos veuves est devenue une tragédie inoubliable. Malheureusement, puisque la prostitution est illicite et réservée, il n'existe pas de faits et de chiffres exacts pour montrer le nombre actuel des prostituées. Cependant, d'après des rapports des membres de RAWA qui sont en contact avec certaines d'entre elles, le nombre de prostituées excède certainement par des milliers.
Un des projets de RAWA à l'intérieur du pays consiste à aider les centaines de milliers de veuves malheureuses dont certaines se sont tournées vers la prostitution et de les sauver de ce métier dégoûtant. Heureusement, nos membres ont réussi à contacter un bon nombre d'elles et de les faire s'inscrire dans les cours de tailleur ou bien dans les classes òu elles apprendront à lire et à écrire. Celles qui prennent les cours de tailleur de RAWA sont données gratuite une machine à coudre dont l'emploi leur permettra de se tenir debout et de se rétablir encore une fois dans une vie normale et honorable, ce qui est le but de toute femme.
Il vaut la peine de mentionner que dans les derniers mois RAWA a fait aussi distribuer de la nourriture à un certain nombre de ces femmes.
Récemment en juin 2002, deux membres de RAWA à Kaboul ont parlé avec certaines de ces femmes et ont enregistré leur conversation sur la vidéo. Ci-dessous nous partageons quelques partis traduites de ces vidéos. La douleur et la misère de la plupart de ces femmes sont semblables; la majorité d'entre elles a perdu leurs maris aux mains des fondamentalistes dans la guerre et n'avait aucun moyen de vivre sauf par la prostitution. Leur seul désir est de trouver de l'assistance matérielle et de revenir à une vie digne des êtres humains.
Votre aide et appui nous donneront la possibilité d'assister même un plus grand nombre de ces femmes délaissées et opprimées et de leur sauver le futur et celui de leurs enfants.
En raison de vouloir rester anonymes, nous avons censuré les images des femmes intervuées. De même, nous avons employé des abréviations au lieu de fournir leurs vrais noms de famille.
MH: Elle est veuve d'environ 33 ans. Elle a perdu son mari il y a quatre ans dans la guerre et a six enfants qui ont entre 5 à 14 ans. Elle pleurait en disant: "A cause de mes enfants je n'ai pu même me suicider. Pendant les deux mois derniers je n'ai pas payé le loyer sur la maison et chaque jour le propriétaire nous menace d'éviction. Je n'ai pas encore payé l'électricité et fais des excuses chaque fois que vient le commis pour collectionner la facture.
Pendant le régime du Taliban, n'ayant aucun autre moyen de faire la vie, je me suis tournée envers la prostitution. J'étais en contact avec un Talib qui s'appelait Sakhi Dad; il me donnait dix lack (1 lack=100.000 afghanis; US$1=42.000 afghanis) par semaine. Cependant, il y a six mois, Sakhi Dad a quitté Kaboul et je me trouve dans des circonstances troublantes. Mon seul espoir est de trouver un emploi. Je regrette que je sois prostituée mais c'était la faim de mes enfants qui m'a poussée envers cela. Ma fille aînée est dans la quatrième classe et j'ai fait de mon mieux pour la protéger de cela."
FA: Elle est veuve de 35 ans avec cinq enfants. Elle a perdu son mari dans la guerre entre le Taliban et la partie de Wahdat à Dara Soaf. Ses yeux étaient pleins de douleur et du chagrin et avec sa fille de 11 ans à son côté elle dit:" Mon mari était fermier; pendant qu'il travaillait dans les champs les Talibans ont attaqué tuant des gens et détruisant nos maisons. Ils ont tué mon beau-frère en le même endroit.
Nous sommes venus à Kaboul. Il n'y avait aucun moyen de nourrir mes cinq enfants sauf par moyen de la prostitution. Ma fille de onze ans connaît mes contacts. J'ai arrangé des fiançailles pour elle avec un garçon que je ne connais pas beaucoup de sorte qu'elle ne doive pas faire face elle aussi à ce qui se passe maintenant dans ma vie. La famille de mon mari est pauvre et ne peut pas nous aider. Je suis brisée et très inquiète du destin des mes enfants.
NH: Elle semble avoir environ 35 ans. Elle est de la provence de Paghman. Elle est mère de six enfants; sa fille aînée a onze ans. Elle dit: "J'étudie à l'école jusqu'à la huitième classe, mais quand je me suis mariée mon mari ne me permettrait plus de faire des études. Deux ans après le mariage mon mari s'est adonné aux drogues. Il me battait quotidiennement et me rendait la vie amère. Il voulait que je travaille et gagne de l'argent pour nourrir les enfants. Quand j'étais enceinte de sept mois, il m'a divorcée. Je mendiait sur les rues et faisait la lescive, mais ce n'était pas suffisant pour nous aquitter de nos responsabilités financères. Il y a neuf mois je me suis tournée envers la prostitution. Je sais que ceci influencera ma vie et celle de mes enfants; si quelqu'un veut m'aider je quitterai sans hésitation ce métier déshonorant.
FH: Elle dit: "Je suis de Shamali. Quand le Taliban a attaqué notre village, ils ont détruit tout. Tout le monde s'est échappé à quelque part. Le Taliban a tué mon père pendant qu'il travaillait dans le champ. Je me suis démenagée à Kaboul avec mes trois enfants qui ont 3 à 7 ans. De ce jour-là mon frère et mon mari sont parmi ceux qui manquent dans le village; peut-être sont-ils parmi les morts. A Kaboul je travaillais comme domestique dans une des maisons où j'ai commencé à me prostituer. Maintenant je suis en contact avec un bijoutier qui me donne de l'argent quand je le visite. Je souffre du mal d'estomac et je n'aime pas avoir des rapports avec trop de gens.
RA: Elle est mère de trois enfants dont le plus aîné a 5 ans. Quand je lui ai demandé son âge, elle a souri et dit: "J'ai oublié mon nom et vous me demandez mon âge; peut-être 21." Elle est aussi de Shamali et raconte à peu près la même histoire que "FH".
J'ai perdu le contact avec mon mari à Shamali. Nous nous sommes échappés à Kaboul, mais en route, le Taliban a séparé les hommes des femmes. Mon mari était de Panjsher et il est probable qu'il a été tué là-bas. J'étais deux mois d'enceinte quand j'avais quitté notre village ruiné. Je suis prostituée depuis cinq mois; il y a une femme qui me guide dans cette affaire. J'ai contact avec un nombre d'hommes qui me donnent cinq ou six lack Afghanis chaque semaine. Ma mère est aussi veuve, mais elle ne sais pas ce que je fais. Je regrette ce que je fais mais il n'y a pas d' autre issue.
SH: Je suis de la vallée de Panjsher mais j'ai vécu la plupart du temps à Kaboul. J'ai eu trois enfants; deux filles et un garçon. J'avais une bonne vie avec mon mari. Mais après sept ans d'être ensemble ma vie a pris un nouveau tour. Récemment mes deux filles sont mortes de la varicelle. Mon mari m'a blâmée du décès et s'en est servi comme prétexte de me quitter. Il ne m'a pas pris mon fils. J'ai commencé ce sale commerce pendant les plusieurs derniers mois.
J'habitais avec ma mère pendant quelques mois mais à la fin j'ai commencé à mendier. Un jour un boutiquier m'a fait un offre que j'ai accepté. Chaque semaine il me donne un et demi lack Afghanis. Je ne sais pas d'où il vient ou s'il a une femme et des enfants. Mes rapports avec lui ne m'apportent aucun plaisir, car il se force sur moi. J'ai employé un condom pour éviter la grossesse, mais en dépit de cela, je suis enceinte maintenant de quatre mois. Ma mère ne sait rien de mon affaire avec cet homme.
WH: : Je fais ceci pendant les deux dernières années; je suis veuve and doit nourrir mes enfants. J'ai commencé par faire la cuisine et la lescive mais notre condition était très mauvaise. Enfin, j'ai contacté une femme qui a été prostituée pendant longtemps. Elle m'a encouragée de quitter ce boulot dûr et de faire de la prostitution qui promet plus d'argent. Ma première réaction était de refuser, mais plus tard, quand notre condition s'est empirée, j'ai accepté. Quand je l'ai fait pour la première fois je me suis sentie très mal et j'ai pleuré pendant des journées entières. Je suis en contact avec un nombre d'hommes qui me donnent de l'argent. J'ai été forcée à faire ceci et je n'y sens aucune joie. Je prends des pillules pour me garder contre la grossesse. Je crains toujours de laisser savoir ce que je fais à personne, y inclut mes enfants et mes voisins. Si les voisins le découvrent ils me jetteront du secteur.
J'ai très peur de contracter le SIDA ou n'importe quelle autre maladie sexuelle; voilà pourquoi je fais ceci uniquement en temps de besoin. Je suis en contact avec beaucoup de femmes qui font le même et elles sont toutes veuves. Je connais Jamila qui a été tuée par un commandant du Taliban. Elle avait un rapport avec le commandant mais quand il avait découvert qu'elle avait des rapports avec d'autres hommes, il l'a tuée.
AH: Mon mari m'a divorcée il y a cinq ans. J'ai donné naissance à deux filles mais il a voulu un fils. J'ai fait face à bien des problèmes. J'ai commencé par faire la lescive mais à la fin je me suis trouvée entrappée. Je fais ceci pendant plus de deux ans. Je suis en contact avec un homme qui a une salle d'exposition et qui me donne de l'argent en échange pour les rapports sexuels. Il a une famille, une femme et des enfants. Je prends des pillules pour éviter la grossesse. Ma fille aînée a l4 ans. Afin de la protéger des choses de ce genre, j'ai arrangé ses fiançailles. Mais la mauvaise chance a rendu sa vie plus amère
que la mienne. Son mari est jeune et inexpérimenté et lui et sa mère lui jouent des tours très cruels. Ma fille vient d'habitude partarger ses douleurs avec moi. Elle est maintenant professeur d'une classe de RAWA pour apprendre à lire.
FA: : J'ai deux filles et deux fils. Je ne sais pas lire. Mon père est mort il y a quelques années, ma mère vit encore. J'étais très jeune quand je me suis mariée. Nous étions heureux pendant quelques années mais quand mon mari est parti pour le Pakistan il n'en était jamais revenu. Ma vie a fait un tour choquant après la perte de mon mari. J'ai un beau-frère qui est en chômage, pauvre et faible. J'ai commencé à faire de la prostitution il y a trois ans quand je n'ai trouvé aucun moyen d'issu. Je n'avais rien, pas de nourriture et pas de vêtements pour mes quatre petits enfants.
J'ai commencé d'abord par des boutiquiers. Ils m'ont donné gratuit de la nourriture. Quelquefois il m'ont donné aussi trois ou quatre lack Afghanis. Ils m'ont emmenée dans bien des endroits-- dans un hôtel pour quelques heures ou dans une maison vide. Je me sers d'un appareil uterine pour éviter la conception. Mon beau-frère ignore tout ceci. Mais s'il arrive à en découvrir il ne s'en préoccuperai pas parce qu'il n'y peut rien. Mon frère ne rentre que le soir pour dormir. Il n'en sait rien non plus parce que je suis à la maison pendant la soirée. Un de mes enfants est devenu faible et souffre de la malnutrition. Je l'ai emmené à l'hôpital mais cela n'a pas fait de différence.
AA: Je suis de Panjshir et j'habite la section de Saraji en Kaboul dans une maison à louer. Je suis mère de cinq enfants. J'ai épousé un de mes cousins qui est parmi des disparus des deux derniers ans. Il était à Panjshir et travaillait avec le Taliban. En réalité, le Taliban l'a capturé mais ne l'a pas tué préférant de le faire travailler pour eux. J'ai eu un autre mari avant lui qui était un Mullah mais qui est mort à cause d'une maladie. J'ai trois enfants par lui et un enfant de mon autre mari plus jeune. J'habitais avec mes enfants dans une maison mais ils m'ont forcée à quitter la maison puisque je ne pouvais pas payer mes frais. Quand j'ai quitté cette maison, ils se sont battus entre eux. Ne trouvant personne pour m'aider, je me suis décidé d'entrer dans cette sale affaire. Faisant de la lescive et le ménage n'étaient pas suffisants. Chaque fois que je vais avec quelqu'un, il me donne trois ou quatre lack Afghanis. Je fais encore ceci deux ou trois fois par semaine.
SA: : Je suis de Shakar Dara mais j'ai habité pour la plupart à Kaboul. Mon mari qui était de Saraei Khoja, a perdu sa vie il y a trois ans quand une fusée l'a frappé lui et deux de mes enfants ensembles. Pendant la guerre nous nous étions tous échappés de la ville à notre
village. Nous avions une maison là-bas mais le Taliban l'brûlée aussi. Après tous ses évènements (il y a trois ans) j'ai été laissée seule dans ce monde avec mes deux fils et une fille, et j'ai été forcée à faire ceci. Mes dépens excédaient plus que je gagnaient en faisant la lescive des vêtements. D'abord, j'ai commencé à mendier. Un jour je suis allée à une bijouterie pour mendier. Le boutiquier a dit: "Quel dommage! Mendier ne vaut pas ni votre personne ni la peine.' Il m'a demandé pourquoi je mendiait et je lui a dit : "Vous ne connaissez pas la peine qui me perce le coeur. " Il a dit qu'il voulait m'emmener chez lui pour faire de la lescive. Le lendemain quand j'ai atteint la maison et quand je suis entrée dans sa maison personne n'était pas là. Il a fermé la porte à clef et puis m'a violée avec force. Je n'ai pu rien faire; il m'a menacée de ne pas parler à personne et en échange il m'a donné de l'argent. J'ai ainsi perdu mon honneur; la seule chose qui me restait dans la vie.
Maintenant j'ai le contact avec cet homme seulement. Personne ne sait ceci. Son épouse est une dame riche qui m'engage souvent à faire des travaux du ménage pour elle. Je gagne 8 à 10 lack Afghanis par mois. Dieu ne devrait pas faire à aucune femme une veuve. Personne ne m'aide, ni amis ni parent
J'emploie l'injection pour empêcher la contraception. Je sais que l'injection a ses propres effets secondaires et c'est pourquoi je souffre habituellement des maux de tête. Mais que devrais-je faire? De temps en temps quand je vais aux boutiques pour mendier, les commerçantscontinueront à me parler pour passer du temps et me donneront ainsi un peu plus d'argent. Je travaille aussi pour les parents pour nourrir mes trois enfants orphelins.
GM: Mon mari est conducteur. Il use des drogues pendant les vingt années dernières. Je me suis mariée il y a 15 ans. En fait, une de mes autres cousines devait épouser mon mari mais elle s'y est refusée et mes parents m'ont forcée à l'épouser. Il est aussi mon cousin. Dès premiers jours de notre mariage, mon mari est hors de la maison pour la plupart du temps. Quand il est chez nous je le trouve en général nerveux et en mauvaise santé. J'ai souvent interrogé mon beau-frère au sujet de l'addiction de mon mari. J'avais trois enfants: un de mes enfants est mort de la varicelle et les deux autres de la pneumonie. En ce moment je n'ai qu'une fille qui a neuf ans.
J'ai commencé à faire ceci en 1989. Mon mari me demandait de l'argent chaque fois qu"il en avait besoin pour les drogues. Un jour il avait vendu notre fille à un étranger. Heureusement je l'ai vu la saisir et je ai chassé cet homme. Un autre passant qui avait témoigné la même scène l'a attrapé et j'ai ainsi récupéré ma fille. Depuis ce jour-là, ma fille est effrayée de son propre père; elle ne veut même pas le voir. Mon mari dit qu'il lui est égal de quelle manière je gagne de l'argent. A la recherche de l'argent je vais quelquefois de Kaboul à Panjshir. Mais il m'est important que ces personnes soient non-apparentés et qu'ils ne me connaissent pas. Mon mari ne peut vivre même un jour sans drogues ou médecine. Il est toujours au lit comme un petit bébé.
Nous habitons la même maison avec ma belle-soeur. Certainement, je ne veux pas qu'ils sachent de mes rapports et je leur fais des excuses différents chaque fois que je sors de la maison. Les hommes m'amenènt dans des lieux étranges où je ne suis jamais allée auparavant.
D'habitude je fais ceci trois ou quatre fois par semaine. Autrement mon mari me chassera de sa maison.
HA: : Je suis orpheline. Ma mère m'avait élevée d'une très bonne mannière. Je pouvais aller à l'école en Kaboul jusqu'à la sixième classe. Ma mère m'aimait beaucoup. J'avais une vie heureuse et excellente après le mariage. Je suis mère de deux fils et une fille. Puis, il y a deux ans, mon mari est tombé malade; il est mort.
Pendant un an je pouvais gagner ma vie dans un moyen très honorable. Mais la situation devenait de plus en plus dûre au cours du temps. Tout le monde m'a oubliée. Je ne pouvais plus nourrir mes enfants. Enfin j'ai commencé à mendier. Un tailleur du nom Noor Ali (probablement de la vallée de Shamali) m'appelée bien des fois en me promettant une bonne somme d'argent. D'abord je l'ai refusé mais plus tard j'ai accepté d'aller chez lui par besoin d'argent. Il m'a promis de me donner de l'argent d'une façon hebdomadaire ou mensuelle. Je suis encore en cantact avec cet homme mais mes enfants ne le savent pas. Mon père et ma belle-mère sont encore vivants mais ils ne m'aident pas. Je voudrais apprendre à lire, apprendre un métier, et gagner de l'argent par des moyens honorables.
English
RAWA report on Prostitution Under the Taliban