Des tonnes d'argent enterrées par l'Alliance du nord
Le gouvernement Karzai privé des fonds dont il a bien besoin

THE NEWS INTERNATIONAL, 31 janvier 2002
Par notre correspondant

KABOUL : on pense que les Russes ont expédié six containers pleins de devises à l'Afghanistan, qui ne sont jamais arrivés à Kaboul mais ont été enterrés par les alliés de l'Alliance du nord.

L'AN suit son propre agenda et le fossé entre l'Administration Karzai et ses alliés semble s'agrandir, selon des sources diplomatiques.

On rapporte que le frère du Général Fahim, Yaseen s'affaire à revendre les Afghanis récemment livrés à l'AN dans ces containers russes. Yaseen a pu acheter jusqu'à 600 000 $ par jour par l'intermédiaire des canaux de change. Des sacs pleins d'Afghanis ont également fait leur apparition sur le marché des devises de Peshawar et de Quetta pour l'achat de dollars.

Ces sources affirment que les Panshiris de l'AN semblent également peu enclins à distribuer ces Afghanis fraîchement imprimés qu'ils reçoivent de l'Allemagne via la Russie. Récemment, sept containers d'Afghanis sont arrivés dans la vallée du Panshir et ont tous été récupérés par l'AN pour ne pas parvenir à l'administration Karzai à Kaboul, malgré le manque de fonds criant à Kaboul.

Intentionnellement, ou peut-être ignorant de ces trafics, le gouvernement d'intérim de Karzai a demandé à l'ONU de fournir les fonds nécessaires au paiement des salaires des officiels à Kaboul. Les leaders de l'AN et les chefs de guerre, comme par le passé, servent toujours leurs propres intérêts et ceux de leurs maîtres étrangers. La sécurité est très précaire partout en Afghanistan, surtout la nuit. Les pillages, massacres et vols de voitures sont de nouveau à l'ordre du jour. La plupart des Afghans n'ont soutenu l'AN que dans l'espoir d'un changement. Presque tous les Afghans se souviennent des atrocités de l'AN avant les taliban, et ne leur font pas confiance. Même en la présence des troupes de coalition, ils sentent que la situation va se détériorer et reste incontrôlable.

Les combats récents à Kunduz entre les forces du Général Rasheed Dostum et celles du Général Faheem les 21 et 22 janvier 2002 illustrent bien la situation. L'Afghanistan et son tissu socio-culturel particulier est connu, depuis des siècles, pour son système tribal réussi et la loi de la Jirga. La composition tribale/ethnique de la société afghane est restée la suivante : 50% de Pachtouns, 20% de Tadjiks, 11% d'Hazaras (Shias), 9% d'Ouzbeks et 10% pour le reste. Les Pachtouns majoritaires ont toujours eu le pouvoir en Afghanistan.

Avant même l'invasion soviétique en 1979, l'Afghanistan était dirigé par un Pachtoun, le Roi Zahir Shah à la tête d'un gouvernement représentant toutes les factions/groupes ethniques avec équilibre. Aujourd'hui, après deux décennies de guerre, la société afghane est en lambeaux, mais c'est tojours un Pachtoun qui est à la tête du gouvernement.

Cependant, cette fois, même avec un Pachtoun à sa tête, le gouvernement d'intérim afghan semble soutenir l'Alliance du nord (AN) - un groupe de Tadjiks, d'Ouzbeks et d'Hazaras. Un tel scénario accroît les déséquilibres et les dangers en Afghanistan. D'un autre côté, l'AN, malgré les villes importantes qu'elle contrôle et malgré les postes qu'elle détient au gouvernement, avec le ministère de la défense, le ministère de l'intérieur et le ministère des affaires étrangères, est incapable d'apporter quoi que ce soit au peuple afghan, en raison des faiblesses qui lui sont inhérentes.

En réalité, l'AN est une organisation mal définie. Elle a été formée en 1996/97 par un commadant tadjik, Abdullah Shah Masood, en réponse à la révolution nouvelle des taliban. Composée de divers petits groupes politiques, comme le Ittehad-e-Islami pachtoun (Prof Abdul Rasul Sayyaf), le Jumbesh-e-Milli ouzbek (Abdur Rashid Dostum), le Jamiat-e-Islami (Général Ismail) et le Hizb-e-Wahadat (Karim Khalili), l'AN a pris la forme d'une organisation politico-militaire menée par le Professeur Rabbani. Toutefois, elle n'a jamais bénéficié d'une bonne réputation. Son chef militaire, Masoud, était considéré comme un traître par les Afghans, car il avait conclu un pacte avec les Soviétiques pendant le Jihad.

De plus, plusieurs leaders de cette alliance agissaient de manière indépendante, pour servir leurs propres intérêts et ceux de leurs maîtres étrangers. La plupart ont acquis une réputation de hors-la-loi, en raison des pillages et atrocités qu'ils ont perpétrés au début des années 90. L'échec de l'AN devant les taliban s'explique par une méfiance mutuelle, une division des factions, la soif du pouvoir et la désunion.

Leur survie dépendait trop du soutien de la Russie, de l'Inde et de l'Iran. Après le 11 septembre, l'AN a gagné bien plus d'importance qu'elle n'en a jamais eu. Ayant aidé les forces de coalition américaines lors des combats terrestres contre les taliban, on a estimé juste de leur céder la part du lion dans le gouvernement d'intérim afghan.

Toutefois, leurs activités secrètes ou non ces 3 derniers mois, en collaboration avec la Russie, l'Inde et l'Iran s'intensifient, pour obtenir un contrôle total de l'Afghanistan/Kaboul et servir les intérêts de leurs maîtres afghans ou étrangers.

Sur le front diplomatique, malgré l'occupation des trois principaux ministères, l'AN lutte pour obtenir encore plus dans le gouvernement d'intérim. Dans cette même lutte, le Dr Abdul Rehman, ancien supporter de Masoud, a réussi à obtenir un siège dans le cabinet de la Conférence de Rome.

On pouvait émettre des réserves sur le fait que ce mouvement avait pour seul but d'obtenir un plus grand nombre de sièges pour les Panshiris/Shoora-e-Nazar dans le gouvernement d'intérim. D'un autre côté, Younis Qanuni et le Dr Abdullah ont nommé presque tous les anciens supporters de feu le Dr. Najibullah, au ministère des affaires étrangères. Tous les directeurs, vice-directeurs, Raees du ministère sont des membres de l'ancien régime communiste.

L'AN continue à recevoir des armes, des munitions et même des hommes de la part de ses amis étrangers. Leurs actions secrètes trahissent leurs intentions de consolider leur main-mise sur les villes principales afghanes. Récemment, la dernière semaine de novembre, la Russie a envoyé 12 avions IL 76 à Bagram, avec à bord deux groupes de spécialistes russes, 200 officiers et 12 membres des services secrets. De même, le 15 et le 17 décembre 2001, la Russie a fourni de nombreuses armes, munitions et équipements militaires au commmandant Daud à Kunduz.

En outre, les Russes font pression sur le gouvernement d'intérim d'Hamid Karzai via la Général Faheem, pour que toutes les commandes de matériel militaire se fassent avec la Russie. Les Indiens aussi semblent très occupés à accroître leur influence militaire à Kaboul en proposant leur aide et en formant les troupes de l'AN. Leurs agents secrets sont très actifs à Kaboul pour l'organisation du transport de 136 prisonniers pakistanais en Inde et pour collecter des preuves contre le Pakistan.

Les Indiens se sont également engagés dans la planification à long terme d'une aide apportée dans d'autres secteurs comme la restructuration de l'Académie militaire/de police, l'éducation, la santé, etc. L'Iran constitue la troisième puissance étrangère ayant un rôle en Afghanistan. Elle vend également des armes, des munitions et des rations à l'AN.

Le 23 décembre, Ismail Khan à Herat a fourni 11 camions d'armes de poing et munitions à Dostum, en plus de l'assistance qu'il reçoit déjà de l'Iran. L'assistance va si loin que les brigadiers Jafri Baghbani de l'IRGC Sistan/Balochistan restent engagés dans l'organisation des unités de l'armée et des infrastructures de sécurité dans les provinces voisines de Farah et Nimroz. Ils y ont également amené du personnel IRGC et de nombreuses armes.

Les pillages des boutiques publiques, organisés par les hommes du Général Faheem, sont le signe que l'AN a d'autres motivations internes et des plans secrets. Dans une autre action secrète, le 10 décembre, le Général Faheem a présidé un meeting des commandants/leaders de l'AN, dans lequel il a été décidé de déployer des troupes de Shia dans les zones de Paktia et de Paktika pour accroître les différends existant dans les rangs des Pachtouns. Suite à la démilitarisation et à la prise de contrôle de Kaboul par les forces de maintien de la paix de l'ONU, durant la deuxième semaine de janvier 2002, l'AN n'a retiré que 5000 de ses 13 000 hommes à Kaboul. Le reste y est toujours stationné.

Les ministres de l'AN sont également trop chaleureux envers l'Inde. En dépit de diverses déclarations amicales et signes d'ouverture par M. Karzai, M. Younis Qanuni et le Dr. Abdullah n'ont pas hésité à menacer directement le Pakistan depuis New Delhi. Dans une autre action interne/secrète contre le Pakistan, on a appris que Qanuni et Abdullah, avec quelques autres ministres, avaient prévu de malmener le Pakistan lors de toutes les rencontres internationales. Ils ont prévu de reprocher à Islamabad de s'ingérer dans les affaires de l'Afghanistan, en annonçant que JUI (F), JUI (S) et Jaish-e-Muhammad avaient envoyé 80 000 soldats en Afghanistan. Ils pourraient demander, lors d'une réunion internationale, à une commission d'enquêter à ce sujet.

Avant la chute de Kaboul, la plupart des Afghans voyaient les taliban et leurs politiques comme un prolongement de la politique pakistanaise, ce qui les a conduit à haïr le Pakistan. Cependant, avec la nouvelle prise de position du Pakistan et son soutien à la coalition, ce sentiment a disparu. Bien qu'illettrés, les Afghans ont une grande conscience politique, et savent distinguer leurs amis de leur ennemis. C'est pourquoi, la plupart des Afghans haïssent plus les Russes et les Iraniens que les Pakistanais.

La majorité silencieuse des Afghans basés au Pakistan, qui y ont élevé leurs enfants et y ont travaillé pour survivre, ont sûrement trouvé désormais une voix pro-pakistanaise dans la politique afghane. L'argent des Russes/de l'Inde/de l'Iran ne leur fera pas changer d'avis. Les gens voient le Pakistan comme un pays qui défend réellement les intérêts afghans.

La situation de la sécurité empirant et les chefs de guerre faisant leur retour, de nombreux Afghans regrettent la chute du gouvernement taliban. Le cours des événements prouvent que l'AN nous conduit encore tout droit à la catastrophe.





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